Tapisserie de Bayeux - Scène 23 : Harold prête serment à Guillaume

LA TAPISSERIE DE BAYEUX : Expérience cinématographique

La « Telle du Conquest », plus connu sous le nom de « Tapisserie de Bayeux », est le meilleur film à l’affiche dans la ville du même nom. Une histoire de parjure où, à la mort du roi Édouard d’Angleterre, Harold s’assoit sur le trône pourtant promis à Guillaume le Bâtard, Duc de Normandie. Une histoire légendaire menant à la bataille d’Hastings le 14 octobre 1066 et à l’avènement de celui qui devient Guillaume le Conquérant, le seul étranger étant parvenu à prendre les terres anglaises. La tapisserie est alors commandée pour conter cette histoire et célébrer la naissance d’un personnage historique devenu mythique. Le commanditaire, certainement l’évêque de Bayeux Odon de Conteville, demi-frère de Guillaume, est lui-même présent sur la tapisserie d’environ 70m de long pour 50cm de large, brodée à la main certainement dans un atelier du Kent, comté anglais qu’Odon reçu après la bataille. Il est donc probable que le meilleur film de Bayeux ait bientôt 1000 ans.

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Car oui, c’est bien entre 1066 et 1097 (mort d’Odon), que la fabuleuses tapisserie à été conçue. Témoignage rare de l’époque moyenâgeuse, c’est avant tout une œuvre étonnamment complète malgré son âge, qui a traversé presque sans embuche les époques, passant de la cathédrale de Bayeux, où elle était gardée initialement et montrée à chaque début de Juillet, à l’ancien grand séminaire de la ville où elle est actuellement. Redécouverte dans les années 1720, elle n’était alors considérée que comme une vieille relique sans intérêt jusqu’à ce qu’un voyageur anglais, Andrew Coltée Ducarel, ravive son intérêt. Elle a survécu miraculeusement à la guerre de Cent Ans, aux pillages des Huguenots, à la Révolution et à la 2nde Guerre Mondiale avant de revenir à Bayeux en 1945. D’abord conservée dans des conditions passables, l’œuvre bénéficie désormais d’un traitement optimal qui, au delà de simplement conserver, permet au visiteur/spectateur de profiter pleinement du spectacle offert par le chef-d’œuvre inscrit au registre Mémoire du Monde par l’UNESCO.

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Le film peut alors débuter : nous sommes plongés dans l’obscurité devant cet écran ultra-panoramique formant en U d’environ 70m et conservant la « Telle du Conquest » sous une lumière uniforme et chaude permettant de saisir chaque détail. La forme de U donne un sentiment d’infini à la visite et notre déplacement de la gauche vers la droite permet de suivre l’histoire de manière chronologique. Le découpage du film que nous regardons se fait grâce à une numérotation des scènes et à divers éléments dessinés tels que des arbres et des tours. Des écritures latines donnent l’explication de chaque scène mais nous suivons l’histoire grâce à un audio-guide particulièrement bien conçu qui décrypte les éléments principaux de l’œuvre tout en nous immergeant dans l’histoire tout en suivant le rythme de nos pas. La scénographie et l’audio-guide nous aident à profiter de la « Telle du Conquest » de la même manière qu’une salle de cinéma permet de voir un film dans les meilleures conditions : c’est une véritable expérience cinématographique. Le film se déroule à mesure que nous avançons, ses personnages sont caractérisés, péripéties et climax sont présents. L’histoire est donc très bien structurée et représentée malgré une technique rudimentaire mais appliquée avec maestria (quatre points de broderie sont utilisés pour des dessins ressemblant parfois à de la BD). L’œuvre millénaire communique sa puissance à travers des nuances de couleurs savamment étudiées donnant de la profondeur au dessin. Il y a aussi une multitude de détails qui rendent l’observation passionnante. En guise de confirmation à notre émerveillement, mieux vaut écouter le maître du cinéma Jean Renoir disséquant l’histoire de la tapisserie en prenant comme référence absolue la « Tapisserie de la reine Mathilde » autre nom donné à la « Telle du Conquest » :

Nous arrivons à la fin du film millénaire : Guillaume, victorieux retourne en Angleterre afin de monter sur le trône. Mais ce couronnement, qui pouvait être le « happy end » naturel, n’est pas représenté. La fin est donc ouverte, ce qui peut sembler dommage mais qui trouve son sens grâce à la légende de Guillaume le Conquérant, un personnage dont le nom est encore connu de tous. C’était sans compter sur les habitants de l’île anglo-normande d’Alderney (Aurigny en français) qui en 2012 élaborent une nouvelle tapisserie reprenant à l’identique les techniques utilisées il y a 1000 ans. Quatre nouvelles scènes sont donc brodées à l’ancienne : le dîner sur le champ de bataille d’Hastings, la reddition des nobles de Londres, le couronnement de Guillaume et, pour finir, l’acclamation du nouveau roi par le peuple anglais (à noter : l’apparition de la Tour de Londres, anciennement Tour Blanche, construite en 1078 par le Conquérant). Il faut donc saluer ce travail adoubé par le musée de Bayeux qui, à juste titre, le considère comme une suite légitime. Héritant de la magie de sa grande sœur, cette nouvelle tapisserie ne manque pas de relancer la légende de la « Telle du Conquest » ainsi que d’offrir un pont temporel de presque 1000 ans nous permettant plus intensément d’être le spectateur d’un véritable chef-d’œuvre de cinéma.

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Site dédié à la « Telle du Conquest » : http://www.bayeuxmuseum.com/la_tapisserie_de_bayeux.html

Site dédié à sa suite : http://www.alderneybayeuxtapestry.com/

Stève Albaret

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