L'auto-production de l'animation : le cas Johnny Rocketfingers

L’auto-production de l’animation : le cas Johnny Rocketfingers

Ryan Khatam est un jeune et talentueux dessinateur des studios Nickelodeons à Burbank aux Etats-Unis. Parallèlement, il est le créateur d’une série de jeux vidéos flash gratuits appelée JOHNNY ROCKETFINGERS dont les deux premiers épisodes sont sortis en 2002 et 2006. La particularité de cette série est de proposer une animation dessinée à la main et une aventure débridée en « point & click » (jouée à la souris d’ordinateur) dans la pure lignée de l’age d’or des classiques Lucas Art (Monkey Island, Full Throttle, Grim Fandango, etc). Le premier opus totalement auto-produit a été un succès surprise ouvrant la voie au deuxième, plus abouti, et bénéficiant du support de Conspiracy Games : succès énorme sur internet et mobiles. Aujourd’hui, Ryan Khatam travaille sur le troisième, en auto-production. Les premières images sont alléchantes, le scénario semble plus incroyable que les précédents, le 16 novembre 2014 un Kickstarter est mis en place, tout semble réuni pour poursuivre la saga et pourtant, le financement ne décolle pas.

Une hypothèse à cet échec pourrait être que 8 ans séparent Johnny Rocketfingers 2 et 3. Au final, si le jeu de 2006 était un beau succès, il était gratuit et n’a pas bénéficié d’appuis publicitaires. Pour une explication plus lampante, dirigeons-nous plutôt sur la piste des finances de l’animation. L’ambition initiale de l’auteur est immense : le jeu étant une sorte de dessin animé interactif, il prévoit 5 épisodes de 8 heures de jeu chacun soit un total de 40 heures. Budget du Kickstarter : 390 000 dollars pour l’épisode 1, soit 3 440 000 dollars pour la totalité, le public ne suit pas. Khatam revoit ses ambitions à la baisse : 3 heures par épisodes et 88 000 dollars pour l’épisode 1 (soit 1 192 200 dollars pour 15 heures de jeu) lors d’une seconde campagne de financement actuellement en cours. A cette occasion, l’auteur se permet de rappeler à juste titre le coup élevé de l’animation, et encore davantage dans le cadre d’un jeu vidéo, qui plus est dessiné à la main et offrant un divertissement bien plus long qu’une production cinématographique ou télévisuelle. Le prix habituel d’une seconde d’animation (2D ou 3D, toutes techniques confondues) est souvent astronomique : si les films institutionnels ou la série Les Simpsons sont à 500 dollars/seconde (Les Simpsons bénénificiant d’une sous-traitance en Corée), les longs-métrages ainsi que les publicités peuvent atteindre les 7000 dollars par seconde animée. Si Ryan Khatam a certainement découragé certains amateurs de ses créations, il n’en demeure pas moins que l’animation représente un travail titanesque. Comme le montre l’illustration de cet article tirée du jeu en cours de développement, chaque image bénéficie d’un travail méticuleux : ébauches, affinages, couleurs, lumières, ombres, effets… Imaginez ce travail répété une bonne dizaine de fois pour arriver à la fameuse seconde d’animation et vous comprenez pourquoi cette seconde coûte si cher. Sans parler du travail préalable de caractérisation des personnages, des décors et bien sûr de tout le travail d’interactivité, fondamental lui aussi et nécessitant d’autres compétences pointues.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, le deuxième Kickstarter du projet n’est pas rassurant malgré tous les efforts de son initiateur. Ironie du sort, les mêmes dont Ryan Khatam est l’héritier, c’est-à-dire les anciennes figures de Lucas Art : Ron Gilbert et Tim Schaffer, font un tabac sur ces même sites de « crowdfunding », soulevant des millions de dollars pour leurs projets. A bon entendeur.

Lien vers le Kickstarter de Johnny Rocketfingers 3

Lien vers Johnny Rocketfingers 1

Lien vers Johnny RocketFingers 2

Vidéo montrant les étapes de création d’une animation :

Stève Albaret

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