FRANCESCO ROSI

FRANCESCO ROSI (1922 – 2015)

Suite à la mort du cinéaste le Samedi 10 Janvier 2015, INCAM retrace son immense carrière et vous offre une modeste analyse de trois de ces films les plus marquants : Le mani sulla città (Main basse sur la ville), Il caso Mattei (L’affaire Mattei) et Cadaveri eccelenti (Cadavres exquis), les trois films étant les dignes représentants du genre créé par Rosi afin d’offrir la réalité en spectacle cinématographique de fiction : le film enquête.

1. ROSI, L’AUTEUR
Francesco Rosi est un cinéaste admiré par ses pairs (Martin Scorsese pour ne citer que lui) et, paradoxalement, assez mal connu du grand public. Si ses films sont assez complexes et peu exportables car traitant souvent de problèmes très italiens, l’œuvre de celui qui a sa place au panthéon des maîtres du cinéma transalpin mérite d’être connue dans le monde. Après le succès international du néo-réalisme, le cinéma italien se renouvelle dans les années cinquante grâce à quelques génies tels Federico Fellini, Luchino Visconti ou encore Michelangelo Antonioni. Durant la même période, le jeune Rosi apprend : la radio, le théâtre (auquel il revient dans les années 2000 pour mettre en scène trois pièces d’Eduardo De Filippo) puis le cinéma. Le grand Visconti, particulièrement, va le former au métier de la réalisation en l’engageant comme assistant réalisateur sur deux de ses chef-d’œuvres : La terra trema (La terre tremble) en 1948, un des films phares du néo-réalisme, et Senso en 1953. Rosi se prépare à la réalisation avec patience : il forge sa méthode (par exemple il apprend à tourner vite contrairement à Visconti ou à introduire et conclure ses films par des scènes spectaculaires afin d’accrocher le spectateur). Après une expérience de co-réalisation avec Vittorio Gassman en 1956 (Kean), il réalise son premier long-métrage La sfida (Le défi) en 1958. Bien que la trame soit assez « simple » (un héros ambitieux se heurte aux dures règles mafieuses), elle pose les bases d’une œuvre marquée par les thèmes du pouvoir, du sud pauvre et de la mort. Sur la lancée du premier, le deuxième film de Rosi se veut du même acabit bien que plus ambitieux : l’auteur acquiert une certaine renommée et peut travailler avec de grands acteurs comme Alberto Sordi dans I magliari (Profession Magliari) en 1959 (ces deux premiers projets penchent d’avantage vers le néo-réalisme que vers l’enquête). Les années soixante se profilent et Rosi a montré qu’il savait diriger un film. A presque quarante ans, il a assez de maturité et de métier pour pouvoir réaliser un film beaucoup plus personnel : Salvatore Giuliano (1961). Avec ce film, il ouvre sa période la plus féconde et trouve sa voie : faire un film comme on pose une question. Salvatore Giuliano questionne les liens entre police, justice et mafia à mi-chemin entre documentaire (ou plutôt reconstitution des faits) et fiction (la reconstitution est si précise que certaines images du film sont reprises par la télévision italienne en tant qu’images d’archives). Le film dénonce à demi-mot cette collusion grâce à l’énorme travail de documentation fait par Rosi pour chacun de ses films enquêtes (exemple : pour la scène d’assassinat des paysans communistes commandité par les politiques du mouvement séparatiste sicilien, la mise en scène de Rosi était si proche de la réalité qu’il fut complimenté par les paysans ayant vraiment vécu le drame). Chef-d’œuvre rosien et succès commercial inattendu, Salvatore Giuliano annonce un auteur à la vision à part, quelqu’un qui sort des conventions cinématographiques pour nous livrer des films logiques avant d’être chronologiques, des films à l’esthétique fonctionnelle avant d’être belle (même si Rosi allie merveilleusement fonctionnalité et beauté). Ce film se rapporte dans son approche à Il caso Mattei que nous étudierons plus longuement. En 1963, Rosi accouche d’un autre chef-d’œuvre : Le mani sulla città (Main basse sur la ville) qui représente une autre des trois grandes catégories du film enquête. Ses deux long-métrages suivants, Il momento della verità (Le moment de la vérité) en 1964 et C’era una volta (Il était une fois) en 1967, se rapportent à une facette mineure de son œuvre correspondant au « conte de fées ». Mais l’œuvre de Rosi est si homogène que ces film reste très intéressants pour la vision qu’ils donnent des thèmes de prédilection de l’auteur (la pauvreté du sud, le pouvoir et la mort). L’intérêt du film Il momento della verità réside aussi dans l’univers de la tauromachie, qui est aussi spectaculaire que rare au cinéma et dans la valeur métaphorique qu’en tire Michel Ciment en comparant le cinéma de Francesco Rosi à une corrida. C’est aussi le premier film en couleur de Rosi. En 1970, l’auteur renoue avec une vision plus personnelle à travers Uomini contro (Les hommes contres), film qui condamne la guerre en montrant clairement que l’ennemi n’est pas le soldat adverse (généralement pauvre et issu de la paysannerie) mais une hiérarchie supérieure égoïste (c’est le seul film de Rosi où les classes exploitées luttent, leur présence anecdotique dans les autres films de Rosi s’explique par leur faible pouvoir). Ce film s’inscrit assez bien dans la méthode que nous étudierons plus tard avec Le mani sulla città. Malgré de dures conditions de tournage et un budget serré obligeant à co-produire et tourner en Yougoslavie, le film est un tournant dans la carrière de Rosi : retour aux films enquêtes qui ont fait sa renommée et première collaboration avec son acteur fétiche Gian Maria Volontè avec qui il fera cinq films.

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Rosi réalise ensuite Il caso Mattei (L’affaire Mattei) en 1972 : nous en parlerons plus longuement. Vient Lucky Luciano en 1974 qui se rapproche de Salvatore Giuliano et Il caso Mattei dans la méthode. Ce film magnifique traite de la mafia d’un point de vue mondialisé. Nous étudierons plus en détails Cadaveri Eccellenti (Cadavres exquis) que Rosi réalise en 1975 et qui va encore plus loin dans le développement cinématographique de ses principales préoccupations : l’auteur laisse un aspect métaphysique pénétrer son œuvre, comme pour préparer ses films futurs qui aborderont des sujets plus centrés sur la psychologie, le mystère ou la tradition. Les œuvres suivantes se concentreront donc sur l’humain comme prisme de la société (qui change selon l’époque et le lieu de l’action). Rosi, en 1979, clôt sa période la plus féconde par Cristo si è fermato a Eboli (Le christ s’est arrêté à Eboli), réflexion sur la question méridionale (le pouvoir en place exile le personnage principal dans un village subissant l’exode rural, les départs pour la guerre et l’obscurantisme). Dans Tre fratelli (Trois frères) en 1981, le prisme est une famille réunie pour l’enterrement de la mère (éclatement de la famille originaire du sud de l’Italie par la société moderne). Rosi va assez loin dans ce film en incluant au montage des rêves, prémonitions et souvenirs des personnages s’inscrivant dans le discours général de son œuvre (exemple : le personnage de Philippe Noiret, un juge de Rome menacé par les criminels, se voit mourir sous les balles dans son sommeil). En 1984, Rosi nous donne peut-être le film le plus inattendu de sa carrière : Carmen d’après Bizet. Pour autant, le film n’est pas désolidarisé du reste de sa filmographie puisqu’on y retrouve ses thèmes et qu’il se rapporte au « conte de fées » rosien. Entièrement chanté, le film nous rappelle avant tout que Rosi aime l’art et s’en inspire souvent comme en atteste ses adaptations d’œuvres littéraires. La preuve en 1987 avec son film Cronaca di una morte anunciata (Chronique d’une mort annoncée) tiré du roman éponyme de Gabriel Garcìa Màrquez. Dernière collaboration de Rosi et Volontè, le film reprend la forme de Cristo si è fermato a Eboli, à savoir un homme qui réfléchit et fait par lui-même une sorte d’enquête solitaire. Par flash-backs, Rosi nous plonge dans les faits (la Colombie traditionnelle : une histoire d’adultère et de meurtre pour l’honneur), mêle le mystère à l’enquête et nous livre un film dans lequel il parvient à équilibrer avec brio les différentes facettes de son œuvre. Rosi revient dans un court-métrage de 1989 intitulé Napoli (Naples sa ville d’origine). Il sort en 1991 Dimenticare Palermo (Oublier Palerme) qui malgré une histoire assez linéaire apporte une nouvelle vision des thèmes chers à Rosi (un homme politique new-yorkais se heurte à la Cosa Nostra dans sa volonté de libéraliser la drogue pour arrêter le marché illégal) : la collusion des pouvoirs mafieux et légal, le retour aux racines (le sud), la mort face à un pouvoir impénétrable et implacable. En 1992, Rosi réalise le documentaire Diario napolitano (Journal napolitain) comme un rétroviseur sur sa carrière et sur un de ses films les plus marquants : Le mani sulla città sorti environ trente ans auparavant. 1997 : au crépuscule de sa carrière de réalisateur, Rosi nous offre sa dernière œuvre, La tregua (La trêve), coup d’éclat magistral d’un réalisateur qu’on aurait pu croire las, le film traduit en images les réflexions de Primo Levi à la sortie des camps de concentration allemands. Dans l’approche, ce film s’apparente à Cristo si è fermato a Eboli tout en étant un sommet de l’œuvre du réalisateur. La tregua se termine sur un regard caméra de l’incroyable John Turturro s’adressant directement au public pour une parabole concluant de manière magistrale l’œuvre de Francesco Rosi.

2. LE FILM ENQUETE ROSIEN
Rosi est avant tout reconnu pour être le précurseur d’un cinéma capable d’une dissection quasi-documentaire des travers de la société : le film enquête. Avec Costa-Gavras, Rosi est considéré comme l’inventeur de cette méthode cinématographique consistant en un long travail préparatoire de documentation sur les faits réels servants de bases aux films : lecture (les comptes rendus des véritables procès ayant eu lieu après la mort de Salvatore Giuliano par exemple), interview (Rosi rencontre et engage pour jouer son propre rôle Charles Siracusa, l’inspecteur ayant véritablement pourchassé Lucky Luciano), archives, repérages (Salvatore Giuliano est tourné dans les lieux où se sont produits les faits historiques servants de base au film), etc. Une fois toutes les informations recueillies, Rosi les trie et les organise dans un montage logique mettant en évidence le raisonnement d’un enquêteur, il pose des questions sur le problème qu’il traite en mettant intelligemment en relation les éléments dont il dispose. Quand le film s’appuie sur la réalité pure et dure comme c’est le cas dans Salvatore Giuliano, Rosi est dans l’impossibilité d’inventer des faits : son génie est de faire éclater le sens aux yeux du spectateur et ainsi le faire réfléchir en faisant résonner certains éléments entre eux. On pourrait comparer cette technique à celle qu’Eisenstein utilisait dans ses films : par exemple la juxtaposition de l’image d’orateurs à celle de balalaïkas et de harpes en 1927 dans Octobre montre que ces orateurs parlent pour ne rien dire. Illustrons la technique de Rosi avec le personnage de Lucky Luciano dans le film éponyme. Ce dernier évolue dans un quotidien relativement banal (il va aux courses de chevaux) tandis qu’un montage parallèle et/ou alterné nous montre les investigations de Siracusa sur cet homme qu’on soupçonne fortement de gérer le trafic de drogue mondial. Dans le même film, Rosi nous montre les arrangements entre la mafia sicilienne et l’armée américaine lors du débarquement de celle-ci pendant la deuxième guerre mondiale. Tout ceci concourt à créer un message sur le pouvoir et à dépeindre le principal tout en préservant le mystère (Lucky Luciano emporte ses secrets dans sa tombe, Rosi ne pouvant pas tricher ou ajouter quoi que ce soit à la réalité des faits). Les choix de mise en scène sont également pour Rosi des armes servant à créer le sens. Ainsi, dans Salvatore Giuliano, il ne dévoile le visage de son héros (Giuliano) qu’après sa mort : Rosi justifie ce choix par la volonté de montrer que Salvatore Giuliano ne fut qu’un pion dans une histoire allant bien plus loin que le banditisme (complot politique). Le montage des idées comme des images est l’arme principale de l’enquêteur Rosi, ce qui le rapproche d’Eisenstein, qui lui aussi faisait un cinéma politisé, dérangeant et proche des thèmes du réalisateur italien dont l’œuvre entière est marquée par une volonté d’investigation, de compréhension et de questionnement du pouvoir et des gens qui l’ont ou le gênent. Bien que très homogène dans ses sujets, thèmes et approches, on peut diviser la filmographie de Rosi en diverses tendances :

o Les films à la structure classique (La sfida, I magliari, Dimenticare Palermo)
o Les films basés la réflexion de l’humain comme prisme d’une société (Cristo si è fermato a Eboli, Tre fratelli, Cronaca di una morte annunciata, La tregua)
o Les films s’apparentant au conte de fées (Il momento della verità, C’era una volta, Carmen)
o Le documentaire (Napoli, Diario Napolitano)
o Les films enquêtes

Charnière de l’œuvre de Rosi, cette dernière catégorie sera l’objet de notre étude avec comme fil conducteur la question de l’évolution du film enquête rosien. Elle se subdivise en trois sous-catégories :

o La CERTITUDE: Enquête « simple » mais aboutie où les rouages du pouvoir sont saisis par Rosi (Le mani sulla città, Uomini contro)
o L’HYPOTHESE: Enquête kaléidoscopique autour d’un personnage de pouvoir (Salvatore Giuliano, Il caso Mattei, Lucky Luciano)
o Le MYSTERE: Enquête sur un pouvoir impénétrable, oppressant, omnipotent et quasi-surnaturel (Cadaveri eccellenti)

Nous reprendrons ces trois sub-divisions dans le même ordre en analysant chacun des trois films soulignés dans le fond et la forme. Ils serviront de bases à la compréhension du film enquête rosien.

3. LE MANI SULLA CITTA (MAIN BASSE SUR LA VILLE)
Le mani sulla città est un des films les plus personnels de Rosi car il y raconte sa ville : Naples. Mais loin d’être une carte postale, ce film questionne : comment les hommes politiques napolitains abusent de leur pouvoir afin de gagner plus d’argent ? Rosi prend donc le sujet de la spéculation immobilière, fléau de Naples, comme point d’encrage de son enquête. Il se base sur ces faits réels puis créé une histoire fictive nourrie par la réalité. Comme à son habitude, Rosi accroche le spectateur par une scène d’entré spectaculaire : le survol de la forêt de béton napolitaine sur une musique digne d’un polar qui succède à la mise en image du titre du film avec les mains de Nottola au premier plan montrant Naples au loin. Nottola, promoteur immobilier siégeant au conseil d’administration de la ville, et d’autres hommes politiques sont présents sur un grand terrain à l’écart de la ville : ils veulent y construire des bâtiments et bien sûr gagner beaucoup d’argent. Mais un évènement dramatique survient : l’écroulement d’un bâtiment entier dans un quartier défavorisé de Naples (à cause de nouveaux chantiers rendant les anciennes bâtisses fragiles et dangereuses). La mort des habitants révèle la destruction d’un mythe : celui du boom économique, qui ne profite pas au peuple mais à l’élite et surtout aux hommes politiques. Rosi sait de quoi il parle et a tous les éléments en mains pour disséquer totalement le pouvoir de Naples qui profite de la pauvreté du sud pour exercer sa main mise. Avec certitude, l’auteur met cela à la lumière au travers de choix scénaristiques tous plus judicieux les uns que les autres. Tout d’abord, les manigances entre partis sont largement montrées : connivences, hostilités, puis retour à la connivence pour les intérêts communs de spéculation immobilière (il vaut mieux se mettre d’accord et donc trahir les valeurs politiques que s’entre-tuer). Dans sa quête de pouvoir, l’homme politique est prêt à tout : Nottola (droite), subit la mauvaise publicité que lui font l’écroulement du bâtiment et les plaidoyers de De Vita (gauche) qui dénonce allègrement ses malversations politiques (ventes de terrains publics aux privés avec la participation d’autres membres du conseil d’administration) et demande l’ouverture d’une enquête. Se sachant en danger (Maglione, sont chef de parti, lui demande de se « sacrifier » pour les autres et d’abandonner son ambition de devenir assesseur du futur maire) Nottola monte une coalition avec le centre de De Angelis (qui en public fait semblant d’être hostile à Nottola pour ne pas pâtir de sa mauvaise réputation en vue des élections municipales prochaines) afin de contrer Maglione. De Angelis est élu maire et réconcilie Nottola et Maglione pour que la coalition centre-droite fonctionne et que tout le monde puisse prendre sa part du gâteau du nouveau projet de construction.
Ici nous avons un exemple parfait de comment les intérêts personnel d’un homme politique passent avant ses convictions politiques. Nottola vire de bord, Maglione ne soutient pas Nottola, De Angelis feint l’hostilité. Si De Vita est un personnage qui bouge et reste du coté de la justice, il ne fait que brasser du vent et n’apporte rien de concret. Il est même négatif car son action est néfaste puisqu’on suppose qu’elle repousse les limites de la corruption. Le film ne propose pas vraiment de personnage principal car, même si Nottola se détache par son rôle central dans la spéculation immobilière, ce sont les rouages du système qu’on nous montre. Ainsi ces personnages s’allient, se battent, puis reviennent aux intérêts communs sous la bannière de leurs partis respectifs. Balsamo, centriste, est le dernier personnage ayant une réelle importance dans le film : étant médecin, il a vu les dégâts provoqués par les constructions de Nottola (l’amputation d’un enfant : seul marque « sentimentale » du film) et est réticent à être inscrit sur la même liste que lui. Il est sermonné par son chef de parti et on ne l’entend plus : tout le monde est plus où moins influençable dans ce système politique, ils sont les pions d’un jeu d’échec où les intérêts économiques et carriéristes prévalent sur le reste. Comme nous l’avons dit, ce qui relève de la psychologie (mentalité et moralité) a un espace très limité : Rosi ne veut pas affaiblir le débat du film ni sortir de l’évènement en dressant des portraits de personnages. Ils n’ont ainsi ni passé, ni background familial ou social (ou si peu). Nous les voyons toujours dans leurs rôles sociaux (Michel Ciment les désigne par l’expression « animal politico social ») ce qui a pour effet de rendre le film très précis dans sa description car très clair (il ne s’éparpille pas, le sujet est déjà suffisamment complexe). Ainsi, Maglione se fiche totalement des plaintes répétées de la jeune fille au chien (sa femme peut-être), il n’est touché que par ses affaires politiques. Pareil pour Nottola qui préfère que son fils, contremaître sur les travaux de sa société, se constitue prisonnier. Pour contrebalancer le débat politique, le réalisateur nous livre un discours sur la croyance chrétienne relevant d’une sorte de fanatisme blasphématoire quand les croyants sont les hommes politiques. La croyance (comme l’amitié d’ailleurs) doit être utile au politicien. Ainsi, voir Nottola aller prier à l’église et demander qu’on allume les lampes autour de la madone quand il organise la coalition, où voir De Angelis avoir une chapelle privée dans sa maison est un régal d’ironie. Autre aspect important de l’œuvre, l’esthétique qui, comme nous l’avons dit, est toujours fonctionnelle chez Rosi. Dans ce film particulièrement, elle allie beauté et fonctionnalité. Quelques exemples d’abord, avec la scène où Nottola et De Vita se retrouvent face-à-face dans le nouveau bâtiment : ici, nous voyons la gestion fonctionnelle de l’espace dans le fait que De Vita soit dans un coin, symbole de son manque d’arguments, tandis que Nottola a la fenêtre derrière lui, il domine. Rosi incorpore aussi des scènes strictement symboliques comme quand le « gros » Maglione rame assis au bord de sa piscine : nous voyons bien ici le symbole de l’immobilisme politique.

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Le sens des décors est souvent très explicite comme par exemple lorsque nous nous trouvons dans le bureau de Nottola : les cartes de la ville, photos géantes et maquette montrent sa domination sur Naples. Les jeux de lumières et échelles de cadres sont eux aussi très expressifs, on pense notamment à quand Nottola se fâche avec Maglione : il est filmé en plongée, gros plan et dans l’obscurité. La façon dont les personnages sont incarnés par les acteurs a évidemment aussi beaucoup d’importance : l’éloquence italienne, le langage, le parler avec les mains permettent aux personnages d’éluder les vraies questions sur lesquelles ils devraient normalement s’attarder. Ainsi le recrutement de l’américain Rod Steiger, pour un personnage « à l’américaine » tel que Nottola prend tout son sens. Pour finir, la structure du film suit l’ordre chronologique des évènements et se veut simple même si le montage alterné est très utilisé (pas de personnage principal). Disons juste que le film se termine comme il commence : avec les truelles des chantiers de Nottola (imitation d’une structure circulaire : récurent chez Rosi). Pointe d’humour finale, le nouveau chantier est béni par les instances religieuses de Naples.

4. IL CASO MATTEI (L’AFFAIRE MATTEI)
Dans la “catégorie” enquête kaléidoscopique et hypothétique, Rosi n’ayant pas de certitude sur la réalité qu’il traite, Il caso Mattei se différencie assez des deux autres films (Salvatore Giuliano et Lucky Luciano) car le personnage d’Enrico Mattei est une véritable pierre angulaire pour le discours sur le pouvoir de Rosi. Là où un Lucky Luciano est dans la retenue et dans le secret et où un Salvatore Giuliano est invisible car pantin du pouvoir sicilien, Mattei, qui dès l’après-guerre (1945) est chargé de la liquidation de l’AGIP anciennement fasciste, est omniprésent car prisme du pouvoir. Espérant beaucoup des ressources du sous-sol italien (il prospecte et trouve du méthane), il s’engage dans une guerre contre son propre gouvernement, gérant une société d’état comme une société privée et créant l’ENI pour nationaliser l’énergie italienne et agir à une échelle mondiale. Le film est une sorte de Citizen Kane, avec Enrico Mattei à la place de Charles Foster Kane et un discours beaucoup plus concret sur le pouvoir. L’intérêt du film n’est pas vraiment de connaître les motivations personnelles du personnage : par exemple savoir s’il voulait vraiment offrir le plein emploi aux italiens ou bien s’il voulait réellement aider les peuples des pays producteurs de pétrole (représentant le thème du sud dans le film au même titre que la provenance régionale de Mattei : les Marches). Le véritable intérêt du film réside dans le fait que Mattei ait pu gêner le pouvoir et le changer. Nous avons déjà dit qu’il a eu des désaccords avec son gouvernement, on peut ajouter qu’il a brisé le monopole du pétrole en décidant d’accords commerciaux avantageux pour les pays producteurs, qu’il a aidé le FLN en Algérie, a traité avec l’Union Soviétique, etc. Le film reprend tous ces éléments en partant de la mort de Mattei, point d’encrage fort pour Rosi qui permet capter le spectateur et de remonter le temps ainsi que le fil du pouvoir, probable cause du décès de Mattei. A partir de la mort du personnage, Rosi analyse et détruit le mythe du boom économique italien et celui qu’un seul homme puisse amener l’indépendance à un pays comme l’Italie par rapport au pouvoir mondial. Le réalisateur nous emmène donc dans l’histoire de Mattei grâce à de multiples enquêtes menées à l’intérieur même du film. C’est le principe de l’enquête kaléidoscopique livrant ici un portrait éclaté de Mattei à partir duquel nous voyons un pouvoir mondial qui se débarrasse de quelqu’un qui fait peur car ayant l’audace de faire de la concurrence, la mort de Mattei était donc inéluctable. L’avion qui s’est écrasé avec le patron de l’ENI à son bord a sûrement été saboté, et si le crash est accidentel, Mattei était de toute façon condamné. Rosi le montre dès le début du film, immédiatement après la scène du crash par l’intermédiaire de la femme de Mattei se souvenant des menaces de mort que recevait son mari. Puis le film se développe et nous comprenons toutes les hostilités qu’a pu s’attirer Mattei : son avion a pu être saboté par plusieurs organisations telles que l’OAS, la mafia, la CIA ou d’autres. Ainsi Rosi organise, par un montage logique plutôt que chronologique, le mélange de plusieurs formes d’enquêtes de différents points de vue (politique, sociologique, etc.) sur Mattei et les causes de sa mort (il est à la fois victime et personnification du pouvoir). Nous avons donc l’enquête concernant l’accident d’avion, celle du journaliste américain Mc Hale, l’enquête d’autres journalistes sur les idées politiques de Mattei, celle de correspondants sur la véritable disparition de De Mauro (journaliste engagé par Francesco Rosi pour étudier l’affaire Mattei en Sicile, son corps n’a jamais été retrouvé) puis celle de Rosi lui-même sur son propre film : il va par exemple à l’aéroport d’où est parti l’avion de Mattei pour montrer l’atmosphère d’omerta qui règne autour de l’affaire, cela lui permet de revenir grâce au montage à la première scène du crash (montage d’idée : on voit l’aéroport et on remonte dans le temps pour boucler la boucle avec la mort de Mattei) et ainsi de finir le film sans le conclure, la guerre du pétrole continuant malgré la disparition de Mattei. Rosi donne des clés de compréhension du décès d’Enrico Mattei et par ce biais dresse le portrait d’un pouvoir mondial surpuissant (manne financière énorme pour les sept compagnies pétrolières qui monopolisaient le marché de l’époque : les « sept sœurs » comme disait Mattei). Les faits ne sont pas seulement réels mais revêtent un aspect documentaire lorsque Rosi interroge lui-même l’histoire en faisant l’interview de certaines personnes afin de mieux cerner le pouvoir. Un pouvoir qui transparaît au travers des diverses facettes de Mattei, un personnage fascinant, sentiment renforcé par le jeu assez caricatural d’un Volontè au sommet, mais que Rosi refuse d’exalter ou d’exempter de reproches. Mattei n’est ni bon ni mauvais, il est par contre sympathique et patriote ce qui en fait une personnalité aimée du peuple, mais sa mégalomanie (par exemple lorsqu’il emmène, sur un coup de tête, un journaliste avec lui pour lui faire voir une plateforme pétrolière en mer et d’énormes gisements dans le désert) et ses tendances individualistes en fond un dangereux contre-pouvoir dans le monde du pétrole, ce que les grandes sociétés américaines et européennes ne peuvent accepter. Cela entraîne probablement sa mort. Si le peuple aime le personnage, il est quasiment absent du film, Rosi se concentrant sur les hautes sphères.

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Un mot sur l’esthétique du film marquée évidemment par une première (et dernière) scène magistrale de brutalité et de confusion : filmée comme un flash télévisé avec une musique oppressante en fond et des images et sons bruts (gyrophares de pompiers, bruits de moteurs, etc.), Rosi nous accroche mais surtout donne à voir de quoi est capable le pouvoir : réduire Mattei à un amas de chair et d’os. L’accident déclenche une onde de choc dans les médias que Rosi montre de façon magnifique : un bâtiment s’allume progressivement, il faut préparer un sujet sur Mattei, on voit alors des moniteurs de régie de télévision passant des images d’archives du Mattei public (déclarations fameuses sur les sept sœurs du pétrole : reconstituées par Rosi ces scènes peuvent rappeler celles qui suivent la mort de Kane dans Citizen Kane de Welles, le fameux « News on the March »). Rosi joue sur les médias pour montrer l’importance de Mattei. L’assurance du personnage médiatique est mise en contraste avec le personnage privé car si les menaces de mort n’entamaient pas sa soif de progrès, elles entamaient son moral. Pour nous livrer les facettes de Mattei et les facettes du pouvoir, Rosi utilise un montage très poussé, parfois déroutant, qui constitue la caractéristique principale de l’esthétique du film. Un montage qui lui permet de manipuler la chronologie afin d‘obtenir la logique du discours sur le pouvoir.
Cela nous permet de faire un point sur l’évolution du film enquête rosien. Le mani sulla città faisait une description sûre du pouvoir alors que Il caso Mattei l’effleure par l’hypothèse, le réalisateur vise ici un pouvoir mondial quasi-impénétrable donc une ampleur jamais atteinte dans ses œuvres antérieures. Si avec Lucky Luciano, son film suivant, il reprend le discours du pouvoir mondialisé à travers le trafic de drogue, nous allons voir que Rosi passe à une étape supérieure grâce à Cadaveri eccellenti. Il caso Mattei est certainement le point d’orgue de la carrière de Rosi avec un Grand Prix au festival de Cannes ex-aequo avec le film d’Elio Petri La classe operaia va in paradiso (La classe ouvrière va au paradis) dans lequel joue aussi Gian Maria Volontè.

5. CADAVERI ECCELLENTI (CADAVRES EXQUIS)
Ce film enquête amorce un virage dans le traitement des thèmes de Rosi. Adaptation d’une œuvre littéraire (Il Contesto de Leonardo Sciascia), les faits sont tout de même inspirés de la réalité politique dans l’Italie des années soixante-dix. Le lieu de l’action est inconnu bien que ressemblant à l’Italie et les personnages ont des noms autres qu’italiens. Une des grandes particularités du film est que son personnage central se trouve être l’enquêteur Amerigo Rogas : une nouveauté chez Rosi qui d’habitude prend les acteurs du pouvoir comme centres d’attention. D’ailleurs Rogas signifie « celui qui interroge » en latin. Le film est donc axé sur les faits et gestes de Rogas qui doit élucider le meurtre de trois juges dans une région du sud, meurtres qui ne sont qu’un prétexte utilisé dans le film pour parler de politique mafieuse. L’affaire n’est alors qu’un fait divers. Rogas écarte la piste mafieuse et privilégie celle d’un pharmacien, Cres, accusé à tort d’empoisonnement et emprisonné pendant plusieurs années bien qu’innocent. Sa hiérarchie le met sur une autre piste pour l’embrouiller. Un autre juge meurt et cette fois, c’est un juge de la capitale. On somme Rogas de diriger son enquête sur l’extrême gauche et on le place sous la tutelle d’un commissaire. Mais Rogas est un homme intègre et juste : Rosi nous le montre d’ailleurs comme une personne ayant foi en l’amitié et, détail apparemment futile qui pourtant le sépare des politiciens et autres hommes de pouvoir, c’est un homme qui se déplace en transports en commun ou en taxi. Rogas persiste et finit par trouver la preuve d’un complot contre le parti communiste. Malheureusement, quand il va prévenir Amar, le chef de ce parti, ils sont tous les deux abattus.
Le fait que Rogas soit interprété par Lino Ventura n’est pas anodin. Le spectateur doit pouvoir s’identifier à ce personnage de justice qui se retrouve seul face à un pouvoir paranoïaque organisant un complot contre lui-même. En effet, le pouvoir se sert de l’affaire Cres en continuant sa série de meurtre et en créant un climat de tension afin de discréditer les communistes. Un pouvoir qui s’apparente à un monstre écœurant derrière lequel se cache la bourgeoisie d’état. Malgré tout le charisme et la force de l’acteur interprétant le personnage, Rogas est écrasé par ce pouvoir qui, voyant l’inspecteur s’approcher de la vérité, lui enlève sa liberté (exemple : quand Rogas se rend compte que son téléphone est mis sur écoute). L’aspect relevant quasiment du fantastique vient justement de cette oppression que fait peser le pouvoir sur Rogas et sur l’axe narratif qui, bien que linéaire car suivant l’enquête du personnage, est totalement imprévisible. Cela entretient un sentiment d’angoisse au fur et à mesure que Rogas est dépossédé de sa vie et de ses idéaux de justice : Richès, président de la cour suprême, insinue bien que tout le monde est coupable et que l’erreur judiciaire n’existe pas. Alors que sa vie personnelle est en chantier, Rogas vit un cauchemar que Rosi matérialise très bien en marquant le film par l’omniprésence de la mort. Le film démarre dans les Catacombe dei Cappuccini situées à Palerme où le premier juge à être exécuté, Varga (joué par Charles Vanel), « fait face » à la mort avant de la rejoindre.

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Puis, le film est parsemé de morts dont celles de Rogas et Amar tués dans un musée, autre symbole de mort où les statues sont comme les momies de la crypte. Le cauchemar d’un pouvoir omnipotent et mystérieux se manifeste grâce à un travail portant sur plusieurs éléments. Tout d’abord dans le jeu d’acteur avec ces juges paranoïaques (celui joué par Alain Cuny est maniaque de la propreté et se lave les mains après avoir serré celle de l’inspecteur) et un Rogas méfiant : se sentant traqué par un pouvoir qui essaye de lui faire peur il réussit à semer un homme qu’il le regarde du coin de l’œil dans un bus. Le mystère pointe aussi dans ces cadres vides qui soulignent la solitude de l’enquêteur, dans ces jeux de mise au point laissant parfois l’image totalement floue, dans ces décors qui vont des intérieurs surchargés des juges à l’appartement de Rogas qui, allant sur son balcon après avoir entendu un bruit bizarre, semble écrasé par les bâtiments en face, dans ces morts par balles vues en plan subjectif du tireur avec zoom aplatissant et dans des environnements ténébreux où l’éclairage est minimal car en rapport avec la situation de l’enquêteur, personnage à travers lequel le spectateur ressent l’oppression du pouvoir (on pense à ces images de Rogas « jouant » avec l’ombre de sa main sur le plafond ou bien le même inspecteur dans une obscurité telle qu’on ne distingue que le dessin de son profil).

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Le son n’est pas en reste comme quand le juge paranoïaque joué par Alain Cuny, sursaute à cause d’un bruit venant de sa télévision. Tout fait immédiatement penser aux films d’horreur ou au suspense hitchcockien. Bien que le pouvoir soit partout sans qu’il ne le soupçonne (du moins au début, car une fois en possession de l’enregistrement de son chef disant de lui qu’il est gênant, il n’y a plus de doute), Rogas, après avoir prévenu Richès de sa mort prochaine, sort du bureau et entend un air de tango, musique favorite de Cres son suspect numéro un. Il atterrit dans un banquet bourgeois où il est mal-à-l’aise car cerné. L’énorme buffet éclairé par des dizaines de bougies symbolise toute l’étrangeté et le mystère du pouvoir. Le sentiment d’inquiétude dans le film prend sa source dans un réalisme qui, l’intrigue avançant, devient de plus en plus mystérieux et inexplicable. Comme Il caso Mattei, ce film reste ouvert car le pouvoir élimine le gêneur qu’est Rogas. Son ancien chef, certainement à l’origine de sa mort, n’hésite pas à le faire passer pour un déséquilibré voyant le complot partout, tuant Amar et se suicidant. On saluera la façon dont Rosi, déjà dans Il caso Mattei, se sert des médias comme déformation de la réalité qui ici facilitent la malversation politique ; à la télévision le chef de la police dit du mal de Rogas avec des yeux figés, quasi-diaboliques : c’est la dernière touche paranormale du film. L’ami de Rogas, journaliste communiste qui aimerait réhabiliter son ami et faire éclater la vérité, ne le peut pas sous peine de faire le jeu du pouvoir en déchaînant les foules. Le film se termine sur la phrase « La vérité n’est pas toujours révolutionnaire » et sur l’image d’une fresque représentant une foule communiste et symbolisant peut-être la mort de ce courant politique. Ce film assure de nouveau la cohérence incroyable de Rosi qui étend encore son discours sur le pouvoir : après l’avoir cerné dans Le mani sulla città, l’avoir effleuré dans Il caso Mattei, il le fantasme ou plutôt le cauchemarde dans Cadaveri eccellenti tout en restant fidèle à une actualité italienne sensible dans les années soixante-dix. Rosi trouve dans le livre de Sciascia la matière d’un film réaliste faisant la métaphore d’un système presque satanique. Il serait intéressant de comparer ce film à Eyes Wide Shut de Kubrick ou bien L’associé du diable de Hackford qui font aussi, dans des buts différents, le rapprochement entre réalisme et métaphore inquiétante du pouvoir. Disons simplement que Cadaveri eccellenti est le film d’un réalisateur au sommet de son art comme le prouve un casting international particulièrement savoureux : Lino Ventura, Max Von Sydow, Fernando Rey et la « famille » de Rosi à savoir Renato Salvatori, Alain Cuny et Charles Vanel.

6. CONCLUSION
Pourquoi avoir choisi ces trois films enquêtes plutôt que d’autres ? Le mani sulla città sorti en 1963, Il caso Mattei sorti en 1972 et Cadaveri Eccellenti sorti en 1976 représentent chez Francesco Rosi une évolution idéologique et chronologique vers la description d’un pouvoir de plus en plus impénétrable, immense et meurtrier. Nous pouvons voir aussi une évolution formelle du film enquête, dans l’ordre : enquête sur les rouages d’un pouvoir saisit par Rosi, enquête kaléidoscopique relevant de l’hypothèse et enquête sur un pouvoir presque abstrait. Si Salvatore Giuliano, qui précède chronologiquement Le mani sulla città, formulait plus de certitudes sur les rouages du pouvoir, il n’était kaléidoscopique que dans la forme (Giuliano étant un personnage secondaire en réalité) et faisait la description d’un pouvoir limité à la Sicile (donc aussi limité que dans Le mani sulla città) alors que dans Il caso Mattei, le pouvoir est internationalisé. Un mot sur Lucky Luciano, magnifique dernière enquête kaléidoscopique de Rosi dont nous aurions pu parler plus longuement car, à travers le personnage principal, le réalisateur introduit l’incertitude qui est la base du film suivant Cadaveri Eccellenti. Particularité de l’évolution de la mise en scène de Rosi : à partir de ce dernier film enquête, elle sera fonctionnelle à deux niveaux qui sont mettre en avant les rouages du pouvoir et mettre en avant les rouages psychologiques (mystères, émotions, etc.). Cadaveri Eccellenti est une œuvre charnière inaugurant la deuxième partie de la filmographie de Rosi plus axée sur le mystère et la réflexion du personnage principal.
Au cours de l’évolution du film enquête, nous voyons que le thème de la mort est de plus en plus lié au pouvoir, qui est lui-même de plus en plus fort. Le thème du sud survit dans la filmographie de Rosi car le réalisateur pense certainement que ces régions sont le terreau idéal du crime et de l’inégalité produits par le système. Enfin, l’étude du pouvoir trouve sa finalité dans le film enquête, forme parfaite à cela que Rosi n’utilisera plus après 1976.

7. DOCUMENTATION

Livres :
o BERTETTO, Paolo, Introduzione Alla Storia Del Cinema: Autori, Film, Correnti, éd. UTET libreria, Turin, 2002 (en italien)
o BRUNETTA, Gian Piero, Guida alla storia del cinema italiano 1905-2003, éd. Einaudi, Turin, 2003 (en italien)
o CIMENT, Michel, Le dossier Rosi, éd. Stock, Paris, 1976 et 1987
o KEZICH, Tullio, Salvatore Giuliano, éd. Maimone, Catane, 1993 (en italien)
o MANCINO, Anton Giulio, ZAMBETTI, Sandro, Francesco Rosi, éd. Il Castoro, Milan, 1998 (en italien)

Revue :
o La rivista del cinema, revue gratuite et mensuelle du musée national du cinéma à Turin, numero 66, janvier 2009 (en italien, article sur Francesco Rosi rédigé avec la collaboration de Michel Ciment)

Rencontres :
o Rencontre avec Francesco Rosi le lundi 15 décembre au musée national du cinéma à Turin. Il était entouré notamment de Michel Ciment et Alberto Barbera (directeur du musée). Cette rencontre fût organisée autour de la restauration de Uomini contro (1970).
o Rencontre avec Francesco Rosi le mercredi 17 décembre 2008 dans le cadre d’une conférence de presse donnée pour sa nouvelle pièce de théâtre. La rencontre a eu lieue au rectorat de l’Université de Turin. Rosi y a longuement abordé son cinéma.
o Rencontre avec Michel Ciment le 24 février 2011, obtention de la version italienne augmentée du « Dossier Rosi »

Autres :
o Visionnage des films de l’entière rétrospective consacrée à l’œuvre cinématographique de Francesco Rosi du mercredi 14 janvier 2009 au vendredi 30 janvier 2009 au cinéma du musée national du cinéma à Turin.

8. FILMOGRAPHIE SELECTIVE

Le mani sulla città (1963, 105 min, noir et blanc)
réalisation: Francesco Rosi, scénario: Francesco Rosi, Raffaele La Capria , Enzo Forcella et Enzo Provenzale, producteur: Lionello Santi production: Galatea Films (Italie), montage: Mario Serandrei, photographie: Gianni Di Venanzo, musique: Piero Piccioni, interprètes principaux: Rod Steiger, Salvo Randone, Guido Alberti

Il caso Mattei (1972, 116 min, couleur)
réalisation: Francesco Rosi, scénario: Francesco Rosi, Tonino Guerra, Nerio Minuzzo et Tito Di Stefano, producteur: Franco Cristaldi production: Vides Films (Italie), montage: Ruggero Mastroianni, photographie: Pasqualino De Santis, musique: Piero Piccioni, interprètes principaux: Gian Maria Volontè, Luigi Squarzina, Franco Graziosi

Cadaveri Eccellenti (1976, 127 min, couleur)
réalisation: Francesco Rosi, scénario: Francesco Rosi , Tonino Guerra, Lino Jannuzzi d’après le livre Il contesto de Leonardo Sciascia, producteur: Franco Cristaldi, co-production: PEA (Italie), Les artistes associés (France), montage: Ruggero Mastroianni, photographie: Pasqualino De Santis, musique: Piero Piccioni, interprètes principaux: Lino Ventura, Tino Carraro, Max Von Sydow, Renato Salvatori

Stève Albaret

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