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L’animation russe dans tous ses états

Si le grand public fait souvent la part belle aux productions japonaises ou américaines, tant pour leur quantité que pour leur qualité, les récents succès russes ne doivent pas passer inaperçus. S’il est dur de concurrencer des fleurons tels que les Simpsons (bien que « sous-traité » en Corée du Sud) ou One Piece, la Russie offre un large panel de créations variées s’appuyant sur la riche et méconnue histoire de l’animation russe. Une longue tradition de créateurs marquants initiée par des gens comme Ladislas Starevitch, pionnier capable d’offrir le spectacle d’insectes anthropomorphes dès le début du 20e siècle et reconnu aujourd’hui comme source d’inspiration par des cinéastes tels que Terry Gilliam ou Wes Anderson;  Alexandre Alexeieff célèbre pour sa merveilleuse technique du tableau d’épingles utilisé pour ses propres films ainsi que pour l’un de ceux du grand Orson Welles, Le procès; ou encore le très primé Yuri Norstein dont les films sont d’un grand raffinement technique et émotionnel. Il ne faut pas oublier non-plus les solides et anciennes institutions garantissant le socle de l’animation russe : la fameuse école de cinéma VGIK ou les studios de production Soyuzmultfilm, créés dans les années 30 afin d’offrir une alternative à Disney.

https://www.youtube.com/watch?v=oW0jvJC2rvM

Mais si le passé de l’animation russe est glorieux, le présent offre des motifs de satisfaction dont peu de pays peuvent se vanter. Tout d’abord, il faut mettre en lumière les réalisateurs russe qui, bien que méconnus du grand public, sont des virtuoses à la hauteur des McLaren, Trnka, Miyazaki, Svankmajer, Avery et consorts. Garry Bardine et Stanislav Sokolov tout d’abord qui ont su, par leurs styles très différents, perpétuer le rayonnement international de l’animation russe grâce à leurs longues carrières (tous deux sont nés dans les années 40 et ont une bonne vingtaine de productions à leurs actifs). Alexander Petrov ensuite et surtout, dans la maturité de son art et doté d’une technique extrêmement rare et poétique : la peinture animée.

Une telle poésie et une telle minutie pour un rendu qualifié de « tableau vivant » par les critiques lui ont valu un Oscar pour l’adaptation d’Hemingway. S’il peine aujourd’hui à exprimer pleinement son incroyable créativité, sachez tout de même qu’une de ses dernières productions a été vue par des millions de personnes dans le monde, peut-être par vous même :

Tout amateur de football aura été éclaboussé par la beauté de ce court métrage sans connaître pourtant l’identité de cet artiste dont la patte inouïe éclipse le message publicitaire. C’est là le paradoxe d’Alexander Petrov, ce génie de l’animation qui continue de créer des images supplantant l’image de marques clientes (Coca-Cola, Schwarzkopf, Jeux de Sotchi, etc…) lorsque nous attendons impatiemment des projets plus ambitieux et personnels.

Changeons totalement de registre en parlant de l’énorme succès russe de ces dernières années : Masha & Michka. Série pour enfants, animée en 3D et produite par la société Animaccord, elle met en avant les aventures d’une petite fille au milieu de la forêt. Pourtant très russe dans ses thèmes, la série parvient à se vendre extrêmement bien dans le monde entier. Diffusé dans une quarantaine de pays sur des chaînes aussi diverses que France5, Rai, Netflix, Boomerang ou Disney Channel et traduit dans une vingtaine de langues, chaque épisode fait un tel tabac que les vidéos postées sur YouTube génèrent des milliards de clics, l’épisode ci-dessous faisant même partie des 10 vidéos les plus vues sur la plateforme :

Pour conclure, parlons de Kseniya Simonova qui nous offre perspective réjouissante du futur de l’animation russe. Encore au début de sa carrière, cette ukrainienne d’origine russe a en effet de sérieux arguments montrant l’étendue de son talent et l’innovation qu’elle propose. Sa technique, non neuve mais parfaitement maîtrisée consiste à utiliser du sable pour dessiner dans une sorte de performance quasi live où l’animation se construit grâce aux apparitions et disparitions d’éléments dans le cadre, à l’univers sonore et aux coupes dans la captation.

Expérience trans-genre, que certains rechigneront à qualifier d’animée, la poésie de Simonova est cependant bien réelle et permet de s’immerger complètement et d’oublier les conventions. Son succès dans le concours « L’Ukraine a un incroyable talent » lui permet d’accéder à la notoriété et de présenter ses créations dans le monde entier. YouTube étant devenu un incontournable, elle comptabilise plusieurs dizaines de millions de vues.

Entre les succès éclatants de ses productions et les chemins artistiques empruntés par ses grands maîtres et ses grandes promesses, la Russie de l’animation est dans une période charnière extrêmement intéressante au niveau culturel car si les intérêts économiques sont bien sûr très forts, tout les exemples précédemment cités sont des succès publics internationaux. « Za vashe sdorovye »

Stève Albaret

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