Afrique & Jeux vidéos : Aurion par Kiro’o Games

Afrique & Jeux vidéos : Aurion par Kiro’o Games

Le jeu vidéo change et connait une période d’abondance et de qualité sans précédent. L’ampleur prise par de petites productions à travers des plateformes comme Steam, et de plus en plus sur consoles, permet à une nouvelle vague d’artistes d’émerger à l’international. Nous connaissons les succès du suédois Jonatan Soderström (Hotline Miami), du tchèque Jakub Dvorský (Machinarium) ou de l’espagnol Carlos Coronado (Mind : Path to Talamus). Il faudra maintenant compter sur Guillaume Olivier Madiba, l’homme derrière Kiro’o, “vision spirituelle” en swahili, un studio indépendant de production de jeux vidéos dont la plus grande particularité est d’être implanté au Cameroun. L’Afrique du jeu vidéo est en effet trop méconnue, ainsi la sortie prochaine de l’ambitieux AURION : LEGACY OF THE KORI-ODAN est une excellente occasion d’interroger l’équipe responsable de son développement et d’en tirer peut-être quelques enseignements.

Qui est Guillaume Olivier Madiba et surtout d’où lui vient son envie incroyable?

Guillaume Olivier MADIBA est le CEO de Kiro’o Games et en est le Lead Project (Chef de Projet). Pour lui, Kiro’o était un rêve d’enfant et sa matérialisation n’a pas été si évidente. Pour la petite histoire, c’est à quatorze ans, après avoir achevé de jouer à Final Fantasy VII pour la 6e fois, que lui est venue l’idée de créer un jeu vidéo. Il s’est mis à imaginer une suite de la saga Final Fantasy dans un univers africain. C’est au bout de sept années passées à l’Université qu’Olivier obtient sa licence en Informatique (option Programmation et Génie Logiciels). En 2008, il crée MADIA (aujourd’hui MADIA SARL) avec un ami Patrick MAMIA. Cette entreprise offre des solutions informatiques à des sociétés et particuliers. Madia lui a apporté de l’expérience en termes de management. A côté de ceci, il a acquis de l’expérience en rédaction de scénario notamment grâce à son ouvrage Jour et Nuit paru en 2009. Petit à petit, Olivier réunissait les éléments qui devaient lui être utiles à la mise sur pied du studio Kiro’o Games. Et en Décembre 2013, après environ dix années de peaufinage du projet, ce dernier a vu le jour, au grand bonheur d’Olivier et de tous les personnes qui y ont cru.

Le projet Aurion remonte déjà à 2002, quelle est sa genèse?

Comme nous le disions précédemment, l’idée de créer Aurion est partie d’un rêve d’enfant. Dès 2002, Olivier a commencé à travailler sur le jeu (avec quelques amis de fac) et a produit une version non-professionnelle en prenant des images d’autres jeux. Le but était d’avoir des retours sur les mécaniques du jeu (gameplay) et la mise en scène (scénario). L’avis des différents joueurs, plutôt positif, a motivé encore plus Olivier à ne pas abandonner son projet. Et suite aux nombreuses expériences acquises (management, programmation, rédaction, etc.), le projet Kiro’o a pu décoller et Aurion est en développement depuis Décembre 2013.

Voici une vidéo retraçant ces 10 ans de parcours :

Aurion semble marquer un tournant dans l’histoire du jeu vidéo car on y sent de manière inédite un savoir faire, un terroir d’Afrique centrale, qu’en pensez vous?

Kiro’o Games est le premier studio de jeu vidéo dans la région Afrique Centrale. Le fait d’occuper cette première place est déjà susceptible d’attirer des curiosités. Aussi, Aurion est à notre connaissance le premier jeu vidéo pour PC et consoles développé en Afrique. À ce niveau, les les enjeux et défis sont encore plus importants. Nous pensons que le droit à l’échec n’est pas permis, notre savoir-faire doit être irréprochable. Du moins, nous devons tout donner afin qu’Aurion soit à la hauteur des résultats espérés.

Vous avez une véritable volonté de distraire accompagnée d’un fort respect pour les traditions, comme une mise en lumière de la culture africaine à travers l’histoire, les décors et les personnages d’Aurion, parlez nous de vos inspirations.

Nos inspirations proviennent de notre vie quotidienne, de notre histoire, de contes et de légendes africains que nous avons lus, bref, de notre culture. C’est au final des scenarii de vie que nous imaginons par l’intermédiaire du jeu vidéo en se basant sur notre background culturel. Nous nous demandons par exemple ce que serait le rôle de l’Afrique dans ce monde fantastique ; Comment serait la technologie? Y aurait-il autant de conflits? Et vous verrez que cette source d’inspiration nous permet de mettre en exergue des valeurs telles que l’amour, la persévérance, la détermination, la solidarité, etc. qui sont très ancrées dans nos traditions, us et coutumes.

Vous semblez également vouloir passer un message positif et sain aux jeunes, n’est ce pas?

Effectivement ! Nous sommes tous des jeunes (la moyenne d’âge au studio est de 25 ans) et nous ne pouvons pas, au-delà de ce que nous faisons comme activité, ignorer cet aspect ; Encore moins dans nos pays où la jeunesse semble désespérée. Beaucoup de jeunes nous voient aujourd’hui comme des modèles ce qui est très important car c’est une grande source d’inspiration et de motivation. D’ailleurs nous en profitons une fois de plus pour leur transmettre nos encouragements : Battez-vous, restez optimistes, positifs et dites-vous toujours ceci, comme Olivier : “Je donnerai de toute mon énergie. Et je serai ma propre matière première pour arriver à mon but”.

A votre connaissance, y a t-il d’autres jeux représentatif des goûts de votre région, de l’Afrique entière ?

Ah oui, ce qu’ignorent encore certaines personnes c’est que le jeu vidéo évolue sur ce continent. En 2013, le marché s’évaluait à plus de 300 milliards de francs CFA (http://www.afriqueitnews.com/2014/09/24/les-jeux-videos-ont-de-beaux-jours-devant-eux-sur-le-continent/ ). Cette somme ne serait pas si importante s’il n’y avait pas un intérêt pour les jeux vidéo en Afrique. Pour revenir concrètement à la question, il existe bel et bien des jeux vidéo à consonance africaine. Il y a par exemple ces jeux Africa’s Legends, The Tribes et Matatu que vous pourrez tester. Ils ont été développés respectivement par Leti Arts (Ghana), Maliyo Games (Nigéria) et Kola Studios (Ouganda). Toutefois, la particularité d’Aurion vis-à-vis de ces jeux est qu’il est destiné aux “PC Gamers” (les plus grands consommateurs au monde) et présente un plus grand format (près de 20 heures de jeu). Les autres studios africains font des jeux disons plus réduits, pour mobiles et tablettes. On espère d’ailleurs que notre jeu apportera un souffle nouveau à l’essor de cette industrie sur notre continent.

On sent malgré tout dans Aurion une inspiration de la grande 2D japonaise, que pensez vous du niveau de créativité artistique global des productions actuelles en Asie, en Europe et en Amérique du nord? Convient t-il aux attentes et idéaux des joueurs camerounais?

Nous devons avoir l’honnêteté intellectuelle de dire que nous avons été bercés aux mangas. Si nous voulons créer notre propre style, le Kiro’o, nous ne pouvons cependant pas tout faire en un premier jeu. C’est un peu comme quand les japonais ont vu les sabres lasers dans Star Wars, ils ont lancé la saga des sentaï avec les Bioman, X-Or, Spielvan, etc. De plus, nous voulons faire des jeux pour le monde entier et toute l’Afrique.

https://www.youtube.com/watch?v=hyiY8f7T9e8

Pouvez-vous nous expliquer comment vos nombreux partenaires ont été amenés à croire en votre projet? Vous attirez les actionnaires internationaux, qu’en est il aujourd’hui?

Convaincre les partenaires fait partie des difficultés que nous avons éprouvé pour la mise en place de ce projet, surtout au Cameroun où ça n’a pas été évident. Beaucoup étaient sceptiques quant à la capacité réelle du projet à se réaliser, compte tenu de la nouveauté du secteur d’activité (industrie du jeu vidéo). Mais nous avons trouvé des moyens pour les amener à en comprendre le bien-fondé : communication et transparence. Pour le volet communication, il était important d’informer le public sur les opportunités business du projet et ses avantages, afin de trouver des potentiels investisseurs. Des résultats positifs en ont découlé des multiples publications que nous avons eues. Aujourd’hui, nous avons pu lever plus de 100 millions de FCFA (plus de 150.000€) et comptons plus de 60 actionnaires à travers le monde. Il nous reste quelques 40 parts à écouler sur les 300 qui avaient été mises en vente. Nous avons également proposé la transparence qui, à notre avis, est un gage de confiance pour toutes les personnes désireuses d’investir dans le projet. Nous envoyons des rapports mensuels avec état de toutes les entrées et sorties opérées. Nous communiquons également dans les médias les sommes que nous avons levées, etc. Tout ceci permet de montrer que nous sommes clairs dans nos initiatives d’une part, et d’autre part que le projet évolue.

Comment êtes vous perçus dans votre pays, le Cameroun? Est ce simple d’avoir ce genre d’activité la bas?

L’industrie du jeu vidéo débute avec Kiro’o Games ici en Afrique Centrale. Comme nous le disions, plusieurs personnes étaient sceptiques lorsque le projet était à sa phase de lancement, d’autres n’y croyaient pas du tout. Aujourd’hui, nous pouvons dire que les choses ont évolué. Les Camerounais sont les plus nombreux parmi nos actionnaires ; lors des divers évènements auxquels nous assistons, nous sommes considérés comme des “vedettes” et sommes très souvent valorisés. Eu égard de ceci, on peut dire que la perception est plutôt bonne. Sur une échelle de 1 à 15, on serait au moins à 10 (rires).

Votre renommée grimpe doucement en occident, comment l’expliquez vous?

La première renommée d’Aurion vient du fait qu’il sera le premier jeu vidéo d’Action-RPG pour PC développé par un studio africain. À notre connaissance il n’y en a pas un autre, c’est donc du jamais vu ce qui attise la curiosité : ils sont nombreux à vouloir connaître la genèse, les inspirations, les motivations, etc. Une autre chose est que ce “premier jeu” est réalisé par le pionnier de l’industrie en Afrique Centrale, Kiro’o Games. Pour terminer, comme vous pouvez le voir dans les critiques positives sur notre démo, le jeu n’est pas un jeu classique avec emballage africain, nous avons vraiment mis notre âme dans le gameplay et dans la mise en scène.

Le vent de fraicheur que votre création apporte a été plébiscité et soutenu par le label Greenlight de Steam, est ce important pour vous?

Oh que oui, ce Greenlight marque une très grande étape franchie pour nous. Nous sommes désormais sereins car nous sommes sûrs que tous nos fans à travers le monde (et en Afrique pour ceux qui en ont la possibilité) pourront acheter Aurion sur Steam. C’est une très grande satisfaction pour nous ; ça prouve que nous ne bossons pas pour rien. Nous saisissons cette occasion pour une fois de plus remercier tous ceux qui ont voté, les journalistes, Steameurs et Youtubeurs qui nous ont accompagnés et continuent à le faire. Les jeux vidéo “made in Africa” ont ils plus de chances de s’imposer sur ce genre de plateformes que sur les consoles traditionnelles? A cette question nous dirons oui et non. Oui, s’ils sont limités au seul marché africain. Nous savons tous que le marché des consoles en Afrique est très inférieur à celui des PC. Donc un studio qui fait des jeux vidéo “Africains” pour PC gagnerait plus qu’un autre qui opterait pour les consoles. D’un autre côté, nous dirons non car au niveau international, tout le monde a au départ la même chance de s’imposer. Et il resterait à chacun de se démarquer au niveau du développement et de la création artistique de son jeu. Nous pensons que ce sont ces éléments qui pourraient donner “plus de chance” de s’imposer à un studio africain faisant des jeux pour PC vis-à-vis des autres qui sont spécialisés en jeux pour consoles.

affiche-aurion greenlight

Aujourd’hui le jeu indépendant mondial connait un boum qui permet à de petites structures de prospérer sur la création originale, vous arrivez donc au moment le plus opportun, que prévoyez vous pour la suite?

Nous devons d’abord finaliser et publier cette version 1.0 d’Aurion et nous espérons qu’elle sera un réel succès. Tel que c’est parti (avec le Greenlight reçu sur Steam), nous croyons plus encore à des lendemains meilleurs. Au long terme, nous prévoyons de lancer le second, puis le troisième et dernier volet de la saga Aurion. En parallèle, nous pourrons explorer l’univers du jeu mobile, les BD et autres produits vidéoludiques.

Pour finir, pouvez vous nous donner 10 “chefs-d’œuvre” du jeu vidéo selon vous (hors simulations type FIFA, F1, NBA, etc.) ?

Voici la liste personnelle d’Olivier :

  • Super Mario (Bros, World et 64)
  • Final Fantasy 7
  • Tales of Destiny
  • Metal Gear Solid (toute la saga)
  • The Elder Scroll : Oblivion
  • The Elder Scroll : Skyrim
  • GTA 3 et GTA5
  • The Legend of Zelda
  • Mass Effect (2 et 3)
  • God of War (toute la saga)

 

N’hésitez pas à suivre le studio Kiro’o sur leur site kiroogames.com, leur Facebook et bien entendu sur la page Steam d’Aurion : Legacy of the Kori-Odan

Stève Albaret

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